Les Roues de Médecine – pour petits et grands

Quand les Européens sont arrivés en Amérique du Nord, il existait au moins 20 000 roues de médecine sur le territoire. Les roues de médecine sont un élément essentiel des cultures autochtones amérindiennes. Les roues de médecine, le symbole du cercle et de la spirale sont bien sûr présents dans de nombreuses autres civilisations dans le monde, mais nous parlons ici des roues de médecines autochtones du continent américain.

Ce symbole peut être un merveilleux outil de compréhension du monde, de soi, et de la nature, y compris pour les enfants dès le plus jeune âge.

Qu’est-ce qu’une roue de médecine ?

Les roues de médecine sont un symbole du temps sous forme de cycles, du grand cercle de la Vie contenant tous les êtres et toute la nature (animaux, humains, plantes et minéraux).

Elles sont un symbole d’unité et d’harmonie. Elles représentant schéma autour duquel s’organise l’univers et la vie de chacun; une certaine vision du monde et de soi selon 4 voies à explorer au cours de notre incarnation.

Elles sont aussi, pour les peuples autochtones, des lieux sacrés où l’on célèbre et honore les grands moments de l’existence humaine, et le passage des saisons. Ce sont des espaces où l’on peut se rassembler pour réunir les énergies, pour guérir et contribuer à l’harmonie et la bonne santé de la Terre.

Roue de Médecine

La Roue de Médecine se base sur les quatre directions,

les quatre points cardinaux, les quatre dimensions de l’être, les 4 éléments, les 4 âges de la vie.

Chaque direction est honorée, chacune apporte son propre enseignement. Le sens donné à chaque direction, ainsi que les qualités, animaux, plantes, pierres, couleurs associés, peuvent varier. Généralement, en Amérique du Nord, on associe l’Est au printemps, à l’enfance, à la période de créativité et d’effervescence. Le Sud est associé à l’été, à l’âge adulte, à la période de la vie ou du cycle où l’on produit, où l’on réalise et met en œuvre. Puis vient l’ouest, la maturité, l’automne, où l’on revient vers soi, où l’on tire des enseignements, où l’on transmet. Enfin, le Nord, l’Hiver, la vieillesse, est le temps du retour vers soi, de l’introspection, des grandes visions.

Arnaud Riou[1], chamane français, raconte cette anecdote : au Tibet, il a rencontré une famille dans laquelle 4 générations cohabitaient dans la même maison. Curieux de savoir comment cette vie commune pouvait se passer sans encombre, il a posé la question à la grand-mère. Celle-ci lui a expliqué : « Nous intégrons les 4 directions dans notre quotidien : les enfants expérimentent, créent et innovent, les adultes rayonnent et affirment, les parents enseignent et nous, les Anciens, nous observons. »

Le lien à la nature

Pour les enfants, qui sont naturellement reliés à la nature et à l’univers qui les entourent, la Roue de Médecine est une façon de cultiver et de mettre des mots sur la notion d’unité de tous les êtres, de reliance avec la Terre, d’harmonie et d’équilibre entre ses éléments.

Par exemple, quand on construit une Roue de Médecine, on remercie la Terre pour chaque élément qu’elle nous offre et l’on rend quelque chose en échange.

Les roues de médecine sont généralement construites sous forme de grands cercles traversés d’une croix, les extrémités de la croix pointant chacune dans une direction cardinale. Ce dessin est matérialisé par des pierres. Chacune de ces pierres représente une énergie particulière, et lorsque l’on construit la roue, on offre une intention, une prière, au moment de poser chacune d’elle.

On peut lire la roue de différentes manières et associer chaque pierre à un animal, une plante, un minéral, une couleur. Chacun de ces animaux, plantes et minéraux, sont porteurs de qualités spécifiques, que l’on peut trouver en chacun de nous. Ainsi, en tournant autour de la roue, par exemple au cours d’un mois, ou en choisissant l’un des éléments au hasard, on peut évoquer les qualités de cet animal, cette plante ou ce minéral et s’en inspirer, observer dans quelles circonstances nous faisons preuve des ces qualités et dans quelle autre situation nous pourrions les cultiver. Cela permet à la fois de se connecter à cet être, à la nature, au monde, et bien sûr à soi-même et à la communauté humaine.

Activités en lien avec la roue de médecine

Jennifer Patten a développé avec Marlyse Wabun Wind un livre et un jeu de cartes inspiré de la roue de médecine[2] qui peut être utilisé avec les enfants.

Elles sont toutes deux en lien depuis de très nombreuses années avec les peuples autochtones et ont travaillé et écrit sur la Roue de médecine. Elles ont enseigné par le biais d’ouvrages et de stages.

Elles proposent que les enfants puissent construire des roues de médecine en papier, en argile, sous forme d’attrape-rêves…

Roue de Médecine

Le Despacho

Dans les traditions d’Amérique du Sud, dans la tradition Q’eros du Pérou par exemple, existe une cérémonie appelée le Despacho. C’est une cérémonie qui consiste à faire une offrance à Pachamama, la Terre mère, tout en y ajoutant, si on le souhaite des intentions. Les Despachos peuvent se faire par exemple pour une naissance, un deuil, une autre grande étape de la vie. On allume une bougie. Puis on dispose un objet symbolique au centre, puis avec des fleurs, et des éléments vivants comme du riz, de la farines, des graines, on fait une offrande avec une certaine intention, une certaine dynamique. On s’accompagne d’instruments, maracasse, tambourin, flûte, et de chants. Le processus est bien sûr plus complexe, mais avec les enfants, on peut simplement proposer cette cérémonie comme une offrande à la Terre. Avec mes enfants, nous en avons profité pour en faire une expérience sensorielle, et une occasion de faire des vœux, pour nous, pour nos proches, pour la planète… Nous avons fait cela dans l’herbe du jardin, ce qui en a fait une œuvre d’art éphémère qui leur a beaucoup plu.

Despacho chamanique

L’importance des rituels

Les enfants sont portés par les rythmes et les rituels, comme l’explique André Stern dans son très bel ouvrage Rythmes et Rituels de l’enfance. Ce que j’ai apprécié dans l’enseignement des traditions Q’éros, c’est notamment cette attention portée aux rituels et aux petites pratiques quotidiennes. Ces rituels peuvent se pratiquer selon la tradition et adaptés à l’âge des enfants. Mais ils s’inventent aussi en fonction de nos vies, personnalités et besoins du moment. C’est une manière de semer des graines, d’arroser quotidiennement nos intentions pour les faire grandir et prospérer. D’ailleurs, un petit rituel tout simple peut consister à choisir une graine ou un noyau, y souffler un projet ou une intention et le poser en évidence sur une table ou un petit autel. Ensuite, tous les jours, on souffle dans cette graine et on nourrit ce projet de notre énergie.

Un autel Roue de Médecine

Construire un petit autel tout simple et y déposer en fonction des saisons – de la nature ou de notre humeur ou d’un projet en cours – des petits objets en rapport, est une belle manière de matérialiser ce mouvement, ce cycle, ce souffle qui traverse le temps, la nature, nos vies.

autel Roue de Médecine

Prendre toute sa place dans la ronde de la vie

Et ce qui est beau dans la roue de médecine, c’est de comprendre que la Terre suit un cycle, chaque vie humaine suit un cycle, chaque journée, chaque projet… Dans le grand cycle tournent d’autres cycles dans un beau mouvement qui donne de l’ampleur, de la dynamique, de la liberté aussi, à nos vies humaines. Je trouve ce symbole vraiment beau pour les enfants en ce qu’il sort de la perception linéaire et parfois un peu angoissante d’un chemin tout tracé, comme déterminé d’avance, vers un toujours mieux, comme si à l’enfant manquait quelque chose pour être un humain à part entière vu et apprécié comme tel. Ce symbole montre à l’enfant qu’il a, dès aujourd’hui, des qualités précieuses et uniques, et qu’il a toute sa place dans la ronde de la vie par ses qualités propres et par l’énergie propre à l’enfance.

 

[1] https://www.youtube.com/watch?v=Ze89WsFOz94&ab_channel=ArnaudRiou

[2] Journey with the Medicine Wheel